Lettre à mon amie – 9

Bonjour Élyse,

Je te remercie pour ta lettre pleine de sollicitude. Je savais que tu comprendrais ma décision de quitter Paul. J’avais bien senti ton inquiétude pour Samuel et moi. Aussi, je voulais te dire que nous nous adaptons bien à la vie en maison d’hébergement. Il y a des règlements et quelques tâches à faire, mais on m’a bien expliqué pourquoi à mon arrivée et je suis d’accord si c’est pour faciliter la vie communautaire. Tu sais, Sam s’est déjà fait de nouveaux amis. Une petite fille de son âge et un garçon un peu plus âgé. De mon côté, j’ai fait la connaissance des cinq autres femmes hébergées. Je ne mentionnerai pas leur nom pour respecter leur anonymat. La confidentialité est très importante pour assurer notre sécurité. Mais je peux dire qu’elles semblent très sympathiques. Au début, j’étais assez retirée et je n’osais pas parler. Je ne savais pas si j’étais à ma place ici. Mais hier, nous avons eu une rencontre de groupe sur le thème « Quel serait le bon partenaire pour moi? » et ça m’a permis de mieux les connaître. Je me suis reconnue lorsqu’elles parlaient de ce qu’elles avaient vécu avec leur conjoint. Il y avait des différences bien sûr, mais j’ai compris que je n’étais pas seule.

Au début de la thématique, on devait écrire ce qu’on cherchait d’un partenaire et ce qu’on ne voulait pas. Puis, on a parlé de la différence entre une relation saine et une relation où il y a de la violence conjugale. Je pensais que l’intervenante allait dire que la différence était l’absence de chicanes, mais non. Elle a dit de nous centrer sur ce que nous ressentons pendant un conflit avec notre conjoint. Si je sens que je suis dans un rapport d’égale à égal et que je peux faire valoir mon point de vue, je suis probablement dans une relation saine, même s’il y a de la colère. Mais si la discussion n’est pas possible, que je me sens agressée, dominée ou obligée de modifier mes comportements pour acheter la paix ou parce que j’ai peur, ce sont des indices d’une relation violente. Elle a posé des questions pour nous aider à faire la différence en analysant une chicane qu’on a eue dans le passé. Est-ce que tu sentais que ton conjoint voulait gagner du pouvoir sur toi? Est-ce que tu banalises les gestes violents qu’il pose ou te blâmes de sa violence ? Après une agression, est-ce qu’il te fait des excuses, des promesses, te donne des cadeaux ? Et enfin, qui est blessée, humiliée, appauvrie, isolée de sa famille ?

J’ai repensé aux disputes avec Paul. Je ne sentais pas que j’avais mon mot à dire. Même lorsqu’il s’excusait de m’avoir blessée, il trouvait le moyen de me faire sentir coupable de ce qui était arrivé. Et quand j’y pense, il finissait toujours par avoir gain de cause. Tu te souviens comment il a réussi à me convaincre de refuser cette promotion ? Il m’a fait sentir coupable, m’a crié dessus, bousculée et finalement il m’a eue en pleurant et en disant vouloir ce deuxième enfant qu’il m’avait toujours refusé. Je lui en veux pour ça, mais je m’inquiète pour lui. J’ai tant de choses à penser et à faire. Mon intervenante m’a rappelé que je venais d’arriver et que je pouvais prendre un peu de temps pour moi et Samuel. C’est vrai. Je vais refaire mes forces quelques jours.

Je te recontacte bientôt.

 Amicalement

 Sylvia

 

Lors d’un épisode de violence ou de menace : 911

Tu peux appeler à La Gigogne en tout temps au 418-562-3377 ou

par courriel intervenantesgigogne@hotmail.com

En savoir plus sur La Gigogne

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading