Lettre à mon amie – 11

Ma chère Élyse,

Tu te souviens, je t’avais écrit que j’avais du mal à trouver les mots pour expliquer à Samuel la raison pour laquelle nous avons quitté la maison ? J’ai enfin décidé de me faire confiance et de répondre simplement à ses questions. Nous sommes allés marcher et j’ai vérifié comment il se sentait. C’est comme s’il avait enfin la permission de parler et il m’a ouvert son cœur. Il se sent bien et en sécurité ici, mais il se croyait responsable de notre départ. Je l’ai rassuré. Il a pleuré, s’est choqué et a rit. Il aime beaucoup ses nouveaux amis et son intervenante. Cette rencontre a été bénéfique pour nous deux. Je lui ai dit de venir m’en parler s’il avait des inquiétudes, que je serai toujours là pour lui.

Tu sais, j’ai vu mon avocate et je poursuis ma recherche de logement mais, en plus du temps pour mes démarches, mon séjour en maison d’hébergement me donne la chance de faire de belles rencontres. Je pense à une femme qui est arrivée il y a 3 jours. J’ai été touchée par son histoire à la fois si différente et si semblable à la mienne. En l’écoutant, j’ai réalisé que si la violence conjugale a de lourdes conséquences pour toutes celles qui la subissent, il y a des femmes pour qui c’est une vraie course à obstacles de s’en sortir. Cette femme n’est pas née ici. Elle est venue rejoindre son mari au Québec il y a 2 ans. Elle a laissé derrière elle parents et amies et a dû s’adapter au climat, à la nourriture, à la culture. Seule à la maison avec sa petite fille et sans connaître la langue, elle se sentait anxieuse, incomprise et sans importance. Dans son pays, son mari était déjà agressif et contrôlant, mais les gens lui disaient de rester avec lui car un divorce, c’est la honte pour la famille. Elle m’a confié qu’après que son mari l’ait parrainée, la situation s’est détériorée au point qu’elle a craint pour sa vie. Elle ne savait pas quoi faire, car elle ne connaissait pas nos lois, ni les ressources disponibles. Heureusement, au groupe de francisation elle a appris qu’elle pouvait obtenir de l’aide gratuite et confidentielle pour elle et sa fille. Mais, elle avait peur. Son mari était garant d’elle pour 3 ans et elle craignait d’être expulsée du pays et de perdre son enfant en le quittant. Elle m’a appris qu’un parrain doit rembourser ce que la personne parrainée reçoit en prestations sociales. Elle ne voulait pas imposer cette charge à son mari. « Mais comment nourrir ma fille si je ne trouve pas de travail ? » Elle était complètement dépendante de l’homme qui la brutalisait. Elle avait honte et n’osait pas en parler. C’est seulement après avoir été hospitalisée suite à une agression de son mari qu’elle a demandé de l’aide. Sa situation est complexe à cause de son statut d’immigrante et ses démarches sont nombreuses, mais quand l’intervenante lui a dit que le Ministère de l’Immigration reconnaît la violence conjugale comme motif pour rompre l’engagement de parrainage, elle a été vraiment soulagée. Elle comprend mieux le français maintenant, mais elle a apprécié d’avoir la possibilité d’obtenir des documents dans sa langue et de faire appel à une interprète au besoin pour ses rencontres de suivi. Je la trouve si courageuse.

Si je te raconte tout ça, c’est que je voulais te remercier Élyse. Ta confiance en moi me donne l’énergie dont j’ai besoin en ce moment. Je me rends compte que j’ai beaucoup de chance de t’avoir eu auprès de moi dans cette période difficile.

Merci d’être là.

Sylvia

 

Lors d’un épisode de violence ou de menace : 911

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