Lettre à mon amie – 12

Chère Élyse,

J’ai une bonne nouvelle à t’annoncer. J’ai trouvé un appartement ! J’ai signé mon bail ce matin. Je suis tellement contente. J’avais peur de ne pas trouver à me loger à un prix abordable, car mes revenus sont un peu trop élevés pour avoir droit à un logement subventionné.

Une des femmes hébergées avec moi va déménager dans un appartement deuxième étape pour un an. C’est un type de logement qui permet aux femmes victimes de violence conjugale de réapprendre à vivre seule dans un lieu sécuritaire et supportant pour elles et leurs enfants. Il y a des règlements à respecter et le conjoint ne doit pas connaître l’adresse, mais c’est une protection supplémentaire pour cette femme car son mari est très dangereux. Moi, j’ai entendu parler d’une coopérative d’habitation qui recherchait un membre avec des aptitudes en comptabilité. Pile dans mes cordes. Ce n’est pas le grand luxe, mais il y a deux chambres et Samuel pourra se faire des amis car il y a des enfants dans l’immeuble. Je déménage dans trois semaines. Ouf ! Ça me donne tout juste le temps d’organiser mon départ.

J’étais stressée au début, car j’avais des choses à prendre chez moi. Mon père m’a offert d’y aller avec moi, mais j’avais peur que les choses dégénèrent si Paul était là. Heureusement, mon intervenante m’a dit qu’elle pouvait m’accompagner avec les policiers pour récupérer mes effets personnels. Lorsque j’y suis allée, ma belle-mère était là. Elle m’a regardé d’un air de reproche et je me suis sentie mal, mais tout s’est passé dans le calme. Les policiers étaient compréhensifs et je me sentais en sécurité. Tu sais, en repensant à mes beaux-parents, je me suis demandé si ma belle-mère ne vivait pas de la violence conjugale. Elle est si effacée et nerveuse quand mon beau-père est là. Il décide de tout. Elle ne réplique jamais quand il lui coupe la parole, lui manque de respect ou lui donne des ordres. Je sais qu’on lui a enseigné depuis qu’elle est toute petite qu’elle devait servir son mari et se sacrifier pour le bonheur des autres. C’est sans doute pourquoi elle prenait toujours la défense de Paul quand elle était témoin de ses agissements. Pour elle, la femme a la responsabilité de préserver la famille à tout prix.

Moi aussi, j’ai intégré des messages sur les devoirs des femmes et des mères. Je m’en suis rendue compte à la dernière thématique que nous avons eue. On devait préparer un cercle dans lequel on plaçait le nom de toutes les personnes importantes pour nous et l’espace qu’elles tenaient dans notre cercle. Eh bien, peux-tu le croire ? La moitié des femmes n’avaient pas inscrit leur propre nom dans le cercle. Et moi non plus! Ça m’aide de pouvoir partager avec les autres femmes hébergées. On se soutien, on se comprend et on se donne des trucs pour passer à travers les difficultés. Une de nos préoccupations est que nos garçons et nos filles vivent des relations saines plus tard. Qu’ils apprennent à s’aimer et à se respecter.

 

J’espère que mon départ aura démontré à Samuel que la violence n’est pas acceptable dans un couple. Je te recontacte bientôt. J’ai très hâte de pouvoir t’inviter dans mon nouveau chez moi.

Sylvia

 Lors d’un épisode de violence ou de menace : 911

Tu peux appeler à La Gigogne en tout temps au 418-562-3377 ou

            par courriel intervenantesgigogne@hotmail.com

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